Récit à quatre mains, avec Claire P. Quatrième épisode.

Pauline a bien du mal à adapter son rythme à celui de sa belle-mère. À la manière dont Bernadette s’appuie sur son bras, Pauline sait qu’elle est heureuse d’échapper au confinement de la chambre d’hôpital. Le gravier crisse sous leur pas, seul bruit à accompagner leur marche et, pour une fois, le silence n’est pas embarrassant. La brise se lève. Bernadette frissonne légèrement.
— Vous avez froid ? Vous voulez que j’aille chercher votre foulard ?
— Oui, s’il vous plaît. Je vais vous attendre sur ce banc.
Pauline l’aide à s’installer et fait demi-tour.

Quand elle entre dans la chambre, le vieux monsieur du lit d’à côté somnole en gémissant. Elle traverse la chambre, ouvre l’armoire et, après l’avoir cherché un instant parmi les affaires bien pliées et rangées sur les étagères, elle attrape le foulard fleuri de Bernadette. Elle referme l’armoire métallique grise et s’apprête à sortir. Le vieillard s’est tu, il suit ses gestes avec des yeux de pigeon éberlué. Machinalement, sans doute pour se dégager de ce regard, Pauline s’arrête au passage pour retendre le drap et arranger le lit. Satisfaite, elle contemple son œuvre, le bel arrondi de cet oreiller quelle vient de tapoter.

— Line !

L’exclamation rocailleuse a fait sursauter Pauline. Elle se retourne, désagréablement surprise. Le vieil homme s’est redressé, la main agrippée à la barre du lit, la bouche crispée. Avant qu’elle ait eu le temps de réagir, une silhouette blanche se profile dans l’encadrement de la porte. Une voix enjouée s’exclame :
« Bonsoir, monsieur Garassou ! »
— Ah ! c’est vous qu’il appelait ?
— Il a appelé quelqu’un ? demande l’infirmière.
— Oui, Line, je crois, répond Pauline, décontenancée.
— Line, il le dit souvent. Je ne sais pas qui c’est. Pas moi, en tout cas !, ajoute-t-elle en riant. Y’a pas grand monde qui vienne vous voir, hein, monsieur Garassou.

Le vieillard lui jette un regard noir pendant qu’elle s’affaire autour de lui. Elle vérifie le relevé de température accroché au pied du lit, puis réajuste la perfusion.
— Vous veniez voir madame… Ça va ? s’inquiète l’infirmière en remarquant l’air absent de Pauline qui n’a pas bougé.
— Oui, oui… Je ne sais pas où j’ai la tête, ma belle-mère m’attend.

Elle tente de se ressaisir. Elle quitte la chambre encore sous le coup de la surprise, avec la sensation déplaisante que c’est à elle que le vieux s’adressait. Les couloirs interminables se succèdent, les portes battantes s’ouvrent et se ferment sur elle. Pauline passe. Perdue dans ses pensées, elle croise les blouses blanches, traverse indifférente l’hôpital bourdonnant d’activité incessante.

Dehors, l’air frais lui fait brutalement reprendre ses esprits. Elle se presse. Quand elle la rejoint enfin, c’est une Bernadette renfrognée qui l’attend : toute sa belle humeur a disparu.
— Ah, vous voilà !

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