Les jours, leurs mille ruisseaux, ont fini de laver comme à grande eau paysage et horizons, le monde paraît de patine neuve. Machinalement ou plus secrètement encore, les doigts parcourent traces et marques, à l’aveugle reconnaissent le contour de quelque continent d’épiphanies et de naufrages, mouvant du temps qui l’emporte et préserve. Malgré tout, malgré eux, les regards jumeaux se croisent par-delà toute mémoire, étrangement tendres entre faille et caresse, et la main tremble à l’instant de chasser… quoi ? Les nuits phosphores à chevaucher océans et comètes, les élixirs bus à longs traits mots foutre salive, l’étreinte échevelée qui déploie le monde, le condense au creux de la paume, à l’unisson du souffle, à l’union des sexes, tout un, chair ronde enlacée aux dragons qui l’envolent, lorsque nous régnions sans partage, étions le pouls du monde, sa vérité d’opium, lorsque nous étions naissance. Les hiéroglyphes se dispersent, d’orphelines heures tournent sur elles-même privées d’éclat. Tu saisis à la volée, ignorant ce que tu retiens et qui devient. Parfois tu aimerais céder à la lassitude du tamis d’ombres et de lumière, t’y dissiper. Mais tu as trop d’obstination, ou bien qui sait pourquoi veille encore l’étincelle, en murmure, en scrupules, prémonitions et chansons douces. Je démens raison et illusion, nie oubli, bannis tiédeur. À l’extrême seul je charmerai l’orage et les fumées, choierai soleil et flamme. J’épouserai la courbe et ses brisées, serai fluide ardente ou eau qui dort, fondue vive. Au plus enfoui, en dépit des ivraies en dépit des mécomptes, m’accorderai à nos étoiles, m’adoucirai de leur silence et tributs, inventerai les feux follets qui la courtisent. Que sous mon pas s’ouvrent les chemins magnétiques, croisées d’autres lignes, d’autres vies, vers les destins s’emmêlent, quand la main prend la main. Tout, et encore, et plus. |
- Les heures mauves #4
- 160618